Quitter son mari violent… et sa sécurité financière

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Chronique — Quitter un conjoint signifie parfois perdre sa sécurité financière. Après 25 ans avec un homme violent psychologiquement, France a finalement décidé de partir. Elle a toutefois des défis financiers devant elle.

 

 

 

 

 

 

À 50 ans, France a décidé de se séparer du père de ses trois enfants. Elle était épuisée de se faire dénigrer par ce dernier. Comme elle n’était pas mariée, elle n’a pas droit au partage du patrimoine familial. Elle repart donc avec sa part de la maison et de quelques biens. « Il doit me remettre 97 000 $ sous peu, indique-t-elle. J’aimerais les utiliser de la manière la plus judicieuse possible. Je ne connais pas grand-chose à ces affaires-là, c’est mon ex qui s’occupait de tout. »

Logée par sa mère depuis décembre, elle souhaite se trouver un nouvel endroit où habiter d’ici juin. Elle évalue que ses dépenses mensuelles s’élèveront à 1000 $ par mois, excluant le logement.

Acheter un condo?

Elle envisage de s’acheter un condo d’une valeur de 165 000 $ à 170 000 $. Le problème, c’est qu’elle travaille seulement quelques heures par semaine dans une commission scolaire pour l’instant. Elle reçoit de l’assurance-emploi simultanément. Elle croit pouvoir trouver un endosseur pour son prêt hypothécaire, mais cela demeure incertain.

En 2017, son revenu s’élevait à 25 000 $. « Des postes viennent de s’ouvrir à la commission scolaire. J’aimerais en décrocher un à temps plein, explique-t-elle. Je pense que j’ai de bonnes chances. Mais je me demande si je devrais plutôt trouver un emploi mieux payé ailleurs, même s’il n’y a pas de fonds de pension. »

À la suite d’un imbroglio financier survenu après un accident de travail, elle a une dette d’impôt de 151 $ par mois à rembourser. De plus, ses plus jeunes sont aux études et habitent chez leur père. Elle devra donc lui verser une pension alimentaire de 30 $ par semaine.

Épargne

Quant à ses épargnes, elle a conservé son fonds de pension de 147 221 $ d’un employeur précédent. À cela s’ajoute le Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics (RREGOP) pour son emploi à la commission scolaire. Sa rente projetée est de 8790 $ à 60 ans et de 5713 $ à partir de 65 ans. Du côté du Régime de rente du Québec, les montants projetés sont de 359 $ par mois à 60 ans et 515 $ à 65 ans. Elle a aussi 11 840 $ dans un régime enregistré d’épargne-retraite (REER). Elle est consciente que sa retraite n’est pas assurée actuellement.

France a aussi quelques dettes : 9000 $ répartis à parts égales entre sa marge de crédit et sa carte de crédit.

Stabiliser la situation

France est dans une période de grands bouleversements. Avant de songer à acheter un condo, elle devrait stabiliser sa situation, croit André Lacasse, planificateur financier chez Services financiers Lacasse. « Sa priorité, actuellement, c’est de se trouver un emploi pour subvenir à ses besoins, estime-t-il. Elle a déjà un pied dans la porte à la commission scolaire. Ce serait une bonne chose d’y obtenir un emploi à temps plein. Sinon, elle devra se trouver autre chose. » Elle aura une idée beaucoup plus claire de sa situation financière ensuite. Elle pourra alors évaluer si devenir propriétaire est réellement une bonne idée.

Si elle a le choix entre deux emplois à temps plein, celui à la commission scolaire serait probablement plus avantageux qu’un autre dans une entreprise privée. Et ce, même si le salaire était un peu plus élevé. « Avec le fonds de pension, son montant pour la retraite serait bonifié de beaucoup, note-t-il. C’est un net avantage. Mais il faut aussi qu’elle aime son emploi, c’est important. »

Quant à l’argent versé par son ex, il lui suggère de l’utiliser pour rembourser ses dettes. Ensuite, elle pourrait ouvrir un compte d’épargne libre d’impôt (CELI). Elle devrait y déposer le maximum autorisé, soit 57 500 $. « Le reste devrait être investi dans des placements non enregistrés le temps de clarifier sa situation, indique M. Lacasse. Ce sera un fonds de prévoyance et ça pourrait être une mise de fonds éventuellement. »

Compte tenu de ses revenus peu élevés actuellement, le REER n’est pas une bonne option pour elle actuellement.

Planification de retraite

Autre avantage du CELI : elle pourrait retarder sa demande de prestations au régime de rente du Québec (RRQ). Elle pourrait puiser dans son CELI entre 65 et 70 ans. « Pour chaque année de report, sa rente sera bonifiée », rappelle M. Lacasse. Les retraits du CELI ne s’ajouteraient pas à son revenu. Elle pourrait bénéficier du supplément de revenu garanti en attendant.

D’ailleurs, elle doit rattraper le retard qu’elle a pris dans la planification de sa retraite. Or, son budget actuel ne prévoit aucune épargne en ce sens! M. Lacasse lui suggère de mettre de côté 10 % de son revenu net. « Si elle gagnait 40 000 $ dans son prochain emploi, cela représenterait environ 2500 $ par année », estime-t-il.

Donc, si France laissait ses économies dans le CELI et y ajoutait 2500 $ par année, elle aurait 460 000 $ en banque à 65 ans. Ce montant inclut les rendements et son ancien fonds de pension. Cela exclut cependant les sommes supplémentaires qu’elle pourrait toucher du RREGOP si elle décroche un poste à la commission scolaire. Elle a donc encore le temps de corriger le tir en vue de sa retraite.

Finalement, pour déterminer si l’achat du condo est une bonne idée, elle devra comparer les mensualités hypothécaires et des loyers dans le secteur qu’elle convoite. « Elle devrait s’assurer de prendre un amortissement sur 15 ans maximum afin que son hypothèque soit payée à 65 ans, car ses revenus seront plus bas à la retraite », explique M. Lacasse. Cela lui fera donc un paiement assez élevé!

Version adaptée d’un texte publié précédemment dans La Presse.

Nathalie Côté
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